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Épargne et capitalisation : L'Europe confrontée à un retard important
Selon une étude de l’Institut économique Molinari, l’Union européenne souffre d’un double déficit majeur : un manque criant d’épargne retraite et une sous-capitalisation de ses entreprises. En cause, l’absence de fonds de pension généralisés.
L’écart entre l’Europe et les États-Unis en matière de financement de l’innovation et de capitalisation atteint des sommets. À la fin 2023, l’Union européenne accusait un retard cumulé de près de 39 000 milliards d’euros, selon les dernières estimations de l’Institut économique Molinari.
Un déficit d’épargne qui freine l’innovation
L’Europe reste à la traîne sur plusieurs fronts : elle ne compte que 14 jeunes entreprises cotées (moins de 50 ans, capitalisation supérieure à 10 milliards de dollars), contre 241 aux États-Unis. Ces sociétés européennes pèsent 434 milliards de dollars en Bourse, soit 68 fois moins que leurs homologues américaines.
Le retard se constate aussi en recherche et développement, avec un effort des entreprises limité à 1,2 % du PIB, contre 2,4 % outre-Atlantique. En matière de capital-risque, l’écart est encore plus marquant : 5 % des fonds mondiaux levés en Europe, contre 52 % aux États-Unis.
Ce sous-investissement se traduit par une forte dépendance technologique : l’indice de dépendance numérique de pays comme la France ou l’Allemagne vis-à-vis des plateformes et infrastructures américaines frôle 1, soit une dépendance quasi totale.
Une capitalisation boursière et une épargne retraite en berne
La capitalisation boursière des entreprises européennes ne représente que 65 % du PIB, contre 177 % aux États-Unis, soit un manque de 19 300 milliards d’euros. Côté épargne retraite, le constat est tout aussi alarmant : seulement 28 % du PIB européen y est consacré, contre 143 % aux États-Unis, soit un déficit estimé à 19 700 milliards d’euros.
Pour l’Institut Molinari, ces deux déficits sont liés. « L’épargne retraite est un levier essentiel pour financer l’économie sur le long terme », rappelle Nicolas Marques, directeur général de l’Institut et auteur du rapport. « Or, sans fonds de pension, pas de capitaux longs pour alimenter les marchés. »
Une réponse claire : généraliser les fonds de pension
La solution défendue par l’Institut est sans ambiguïté : étendre les fonds de pension à tous les pays européens qui n’en disposent pas, y compris dans le secteur public. Contrairement à l’assurance-vie, trop liquide pour être pleinement investie en actions, l’épargne retraite est immobilisée sur le long terme et constitue un socle solide pour le financement des entreprises.
La stratégie actuelle de réallocation de l’épargne existante ne suffit pas. « Le gouverneur de la Banque de France évoque un besoin de 300 milliards d’euros de capitaux, mais notre estimation est 50 fois supérieure », insiste Cécile Philippe, présidente de l’Institut. « Ce sous-dimensionnement empêche de financer les grands défis européens : transition énergétique, numérique, réarmement. »
Alors que les besoins d’investissement atteignent plus de 1 500 milliards d’euros par an d’ici 2030, l’absence de capitaux longs pourrait freiner durablement la compétitivité du continent.